Inconnu du lacCette affiche résonne dans votre esprit comme un déjà vu. « L’inconnu du lac », Cannes 2013, prix Un Certain Regard, la Queer Palm, peu à peu cela vous revient en mémoire… Du moins, je l’espère, car cette illustration a fait couler autant d’encre que le film qu’elle présente. La raison ? Deux hommes qui s’embrassent et une fellation à l’arrière-plan. Pourtant, ce n’est rien de plus qu’une mise en bouche de l’univers homo-érotique de Tom de Pékin, l’artiste des Beaux-Arts de Valence.

Connu dans le monde de l’édition contemporaine, ce dessinateur sexo-ludique prend le nom de Tom de Pékin en 2000 à la suite de quelques expériences graphiques mêlées à une certaine reconnaissance. Un voyage en Chine et un clin d’oeil à Tom Of Finland, ainsi qu’à la « tomme » de Savoie, région d’où il est originaire, ont fait de lui le metteur en scène d’iconographies populaires LGBTQI par excellence. Au début, c’était un jeu, mais très vite, c’est devenu une conviction. Le statut d’artiste s’est imposé à lui, une situation incontournable lui permettant de ne pas oublier qui il est.

Fantasme et humour

Il faut bien le dire, les années « pré-2000 » présentent un monde éditorial français très hétérocentré et ce malgré le formidable travail du groupe « Canadien Général Idea » (1967-1994). Le fantasme, mais surtout l’humour, ont été les meilleures armes de Tom pour retrouver une place, une identité, un camp « transpédégouine » suite à l’hécatombe du sida. La visibilité, souvent crue, d’une sexualité minoritaire lui a permis de ne pas se tromper d’objectif : il fallait balayer les années douloureuses « post-68 » et l’image du martyr judéo-chrétien, le tout dans une réflexion tournée vers l’absurde, le détournement et le ludique.

Actuellement, Tom de Pékin travaille sur le projet théâtral « Haldernablou », racontant l’histoire d’Ablou, un jeune homme prisonnier d’un rêve et d’un parc, et ses rencontres avec d’étranges personnages qui tentent de l’enfermer un peu plus dans ce long sommeil. L’artiste avait déjà illustré le récit d’Alfred Jarry en 2011, avant de participer à sa mise en scène. En plus de la pièce, sept courts-métrages forment une extension graphique, performative et cinématographique de l’oeuvre. Editée en 1894, « Haldernablou » est probablement l’une des premières pièces françaises à relater une histoire d’amour explicitement homosexuelle.

L’action militante qui accompagne cette démarche consiste à faire connaître ce texte au plus grand nombre. Le texte permet en effet de convoquer des publics différents, de le faire circuler de manière transdisciplinaire et d’activer des interprétations empreintes d’une subjectivité contemporaine. « Haldernablou » a été jouée à Bruxelles le mercredi 18 novembre dans le cadre du Pink Screens Festival.

Maxime, membre du CHEL