Betel a assisté à l’avant-première namuroise du film « 120 battements par minute ». Elle qui a 25 ans y a appris que les jeunes n’étaient plus intéressé.e.s par les campagnes de sensibilisation au VIH. Sa présence et celle des cinq autres membres des CHEFF n’était-elle pas la preuve du contraire ?

Le titre « 120 battements par minute » résume exactement ce que les spectateurs et spectatrices vivent dans la salle : un moment de cinéma intense où l’on vous met face à la réalité de l’épidémie du SIDA, où chaque minute du film est un suspense, où la personnalité de chaque personnage est travaillée et recherchée.

Mais il ne s’agit pas ici de réaliser une critique de ce film. Certain.e.s (voir lien) en ont réalisé de très bonnes, d’autres en ont réalisé qui prêtent à confusion, voire qui donnent l’impression que nous n’avons pas vu le même film.

Pour ma part, j’ai assisté à l’avant-première de 120BPM au cinéma Caméo à Namur. Après deux heures de film haletant et captivant, a suivi une série d’intervention pleine de certitudes qui, en tant que membre des CHEFF, m’a interpellée.

Un film inspirant pour nous, jeunes militant.e.s

J’ai été voir ce film avec cinq autres membres des CHEFF. Nous avons tous et toutes entre 25 et 30 ans. Nous étions réellement enthousiastes à l’idée de voir un film qui parle de cette horrible épidémie mais qui, surtout, mette en avant plusieurs populations marginalisées, comme la population non-hétérosexuelle, les travailleurs du sexe ou encore les personnes sans papiers.

En tant que membre d’une association militante, voir sur écran le combat d’Act Up nous impressionne et nous donne envie de continuer de nous battre pour une société plus juste, où chacun et chacune pourrait trouver sa place, tout en faisant face à la maladie.

Nous faisons partie de la génération née après les terribles événements évoqués durant le film. Notre adolescence a été marquée par des campagnes publicitaires sur les IST (Infections Sexuellement Transmissibles) et quelques cours d’éducation sexuelle où on nous apprenait avant tout qu’il fallait mettre un préservatif sur la personne qui a un pénis dans notre relation. Evidemment, il était très rare que ces cours parlent d’une relation sexuelle sans pénétration par un pénis, mais c’est un autre débat…

La faute aux jeunes

Pour en revenir aux échanges qui ont suivi le film lors de sa présentation au Caméo, nous avons été interpellé.e.s par quelques phrases, quelques sujets, qui ont été évoqués tant par le panel du débat, que par les personnes dans la salle. Arrêtons-nous sur l’un de ces points : « la jeunesse » a, à de nombreuses reprises, été pointée du doigt comme n’étant plus intéressée par la prévention des IST, comme en ayant marre d’entendre des campagnes de prévention et des adultes de plus de 30 venant leur dire ce qu’illes doivent faire ou non pour ne pas attraper telle ou telle infection.

Durant le débat, une préfète d’école et un parent d’adolescent ont pris la parole pour se décharger sur la jeunesse, présentée comme démotivée par tout ce qui touche à la prévention des IST. Il faut savoir qu’en tant que jeune des années 90, nous avons vécu avec la peur constante d’attraper le SIDA (pas le VIH, pas la chlamydia, encore moins la syphillis ou la gono)… LE SIDA. Plusieurs d’entre nous étaient terrorisé.e.s à l’idée d’avoir une relation sexuelle parce que celle-ci allait être synonyme de maladie (plusieurs enfants ont d’ailleurs grandi avec l’idée que c’était la pratique sexuelle en elle-même qui rendait malade, sans penser que l’un.e des deux partenaires devait être contaminé.e au préalable !).

Par la suite, nous avons grandi, nous avons (mieux) compris, et les membres des CHEFF sont une belle représentation de la jeunesse des années 90 qui veut prévenir les suivant.e.s sur le risque des IST dans les populations non-hétérosexuelles (bien que les IST sont partout, ne faisons pas de stigmatisation, il s’agit juste ici du public cible de l’association).

Donner la parole aux jeunes pour mieux les toucher

Cette nuance, nous aurions aimé l’apporter de vive voix, ce soir-là. Pas une seule fois durant le débat la parole ne nous a été donnée, pas une seule fois nous n’avons pu expliquer ce que nous mettions en place pour éviter que nos membres, et toute personne concernée, puissent être infecté.e.s d’une manière ou d’une autre par une ou des IST. Pas une seule fois, il n’a été proposé à la jeunesse présente dans la salle de réagir, de s’exprimer sur le sujet. Comment mettre en place des campagnes de prévention sur les IST à l’attention des jeunes, si leur parole est invisibilisée ? Comment savoir ce qui nous touche, nous interpelle ?

Par ailleurs, nous remercions grandement le Caméo de diffuser des films qui nous permettent à nous, personnes LGBTQIA+, mais également aux personnes hétérosexuelles, de prendre conscience des combats qui ont été menés et de ce qu’il reste encore à faire aujourd’hui. De plus, la représentation est importante et pouvoir visionner un film grâce auquel chaque spectateur/trice, qu’il/elle soit bi, homosexuel.le, lesbienne, travailleur/euse du sexe, noire, arabe, pauvre, queer, etc. puisse s’identifier à un ou plusieurs personnages est crucial dans nos luttes. Moins d’hétéronormativité, plus de représentation, c’est aussi ce que nous préconisons dans l’EVRAS (Education à la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle) telle qu’elle se donne aujourd’hui. Nous espérons aussi que celle-ci n’oublie pas la dimension affective du message, pour que « faire l’amour » ne devienne pas « faire la peur ».

Betel, membre du CHEN et administratrice des CHEFF