Pride-2018-Exaequo-smaller3

Cette année encore, la Pride a battu son plein, avec une participation annoncée de plus de 100.000 personnes à ce grand évènement de la vie LGBTQI belge. Et, comme chaque année, la Pride a soulevé des questions sur divers aspects de son organisation et de sa philosophie. Néanmoins, cette fois-ci, ces interrogations se sont montrées plus pressantes qu’à l’accoutumée au vu des évènements qui s’y sont déroulés et sur lesquels nous souhaitons revenir et prendre position. Commençons d’abord par un bref rappel des faits : en protestation à la présence du char de la N-VA juste derrière le leur, des militant·e·s d’Ex-Æquo ont décidé d’organiser un die-in ayant empêché l’avancée des chars durant 3 minutes.

À la suite de cela, d’autres manifestant·e·s n’ayant aucun rapport avec Ex-Aequo ont tenté de décrocher les banderoles du char de la N-VA tout en les traitant d’assassins. La police est alors intervenue sans ménagement et nombre de témoignages et de vidéos font état d’une violence disproportionnée de la part des forces de l’ordre. En ce qui concerne le die-in, nous apportons notre soutien total à Ex-Aequo qui a agi au nom de convictions que nous partageons et dont vous pouvez retrouver le communiqué ici. Un die-in est une manifestation pacifique d’une révolte face à l’injustice et nous dénonçons fermement la campagne de calomnie menée par Théo Francken qui assimile cet acte aux tentatives de dégradations sur le char de son parti pour en faire porter la responsabilité à Ex-Aequo. Nous dénonçons également le cyberharcèlement dont fait l’objet Ex-Aequo de la part des militant·e·s de la N-VA depuis la Pride. Nous condamnons avec la même intransigeance les violences policières qu’ont subies les manifestant·e·s qui se sont révolté·e·s de manière plus radicale contre la présence de la N-VA dans le cortège. Peu importe l’opinion que l’on peut avoir sur des actions entraînant des dégradations matérielles, il nous semblerait absurde de mettre sur le même plan des banderoles malmenées et de la violence physique, a fortiori lorsqu’elle est exercée par une autorité institutionnelle sur des manifestant·e·s qui n’avaient comme seule arme que leur indignation.

Par ailleurs, le contexte historique de la Pride, qui commémore les émeutes de Stonewall face à la répression policière, rend encore plus intolérables les débordements de la police. La Pride de 2018 n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’elle était à l’origine. Il s’agit désormais d’un évènement majoritairement festif et commercial dans lequel nous peinons chaque année à faire entendre nos revendications en faveur de celles et ceux au sein de notre communauté dont les droits ont avancé moins vite que pour d’autres. Tout n’est cependant pas à jeter. L’on peut citer le plaisir de voir nos membres découvrir la Pride pour la première fois et de vaincre leur nervosité à s’y rendre grâce au cadre sécurisant offert par la présence d’autres jeunes qu’iels ont l’habitude de côtoyer au sein de nos différents pôles. Ou le fait de ne plus avoir à se cacher pendant une journée et de voir tous ces couples d’un instant ou d’une vie se tenir fièrement la main et s’embrasser aux quatre coins de la capitale.

Il est néanmoins temps d’avoir une réflexion de fond sur la place des partis politiques et du commercial dans la Pride. La Marche des Fiertés ne devrait pas être le lieu où l’on vient améliorer son image publique à moindre coût en feignant une tolérance de façade. Marcher à nos côtés signifie adhérer à nos valeurs d’ouverture à l’autre, de célébration de la diversité et de lutte contre l’injustice sociale sous toutes ces formes. À ce titre, il existe une charte dont la signature est obligatoire pour participer à cet évènement. Hélas, nous rejoignons le constat posé par nos partenaires associatifs : elle n’est pas assez contraignante vis-à-vis de ses signataires et gagnerait à être remaniée au plus vite. La présence d’un parti nationaliste à la politique inhumaine en matière d’immigration ne devrait pas être possible avec une charte qui remplirait son rôle.

De quoi la Pride est-elle encore le nom ? D’une grande fête où qui le désire peut faire du pinkwashing sans avoir de compte à rendre à notre communauté ? Nous nous refusons à le croire et terminerons plutôt ce communiqué en disant de quoi elle devrait être le nom. Elle devrait être le nom d’un évènement solidaire qui porte ses valeurs aussi fièrement que ses drapeaux et qui ne délaisse aucune des personnes qu’il est censé représenter. Il est temps de réaliser que nous n’obtiendrons jamais l’égalité pour tou·te·s si nous oublions de marcher pour les personnes demandeuses d’asile, racisées, transgenres, intersexuées ou toute autre personne qui, au sein de notre communauté, est souvent marginalisée.

Carte blanche rédigée par le Conseil d’administration des CHEFF