L’agenda du mois de décembre peut être téléchargé en cliquant ici. En voici l’éditorial.

« Le truc curieux avec le langage, c’est que bien qu’il soit commun à tous, il possède son interprétation propre, son usage unique dans le sens qu’on veut qu’il prenne. Il ne s’agit pas d’envoyer un mot ou une phrase comme une balle en s’imaginant que l’autre la recevra intacte, dans la même forme que lorsque nous l’avions lancée. Il ne s’agit pas d’espérer faire passer une idée et de la faire accepter par tout le monde. C’est ça qui fait la beauté de la différence, car au-delà des différences de culture, d’orientation, de religion, de nationalité, nous possédons avant tous nos différences de langage.

En quoi cela est-il important ? Il serait simple de résumer cela sous la forme « nous interprétons tous différemment les choses ». Mais la vérité est plus complexe. Le langage, c’est la signature de notre vécu, de notre expérience ; et cette même expérience fait de nous ce que nous sommes, et dans le cas qui me préoccupe, ce qui fait de moi une minorité. C’est au travers des mots que j’ai ce ressenti, à force d’entendre chaque jour à la télévision que les gays sont une abomination, de voir chaque jour que le mariage pour tous est un vrai parcours du combattant, et même, de voir chaque jour des films « spécialement gays », ce qui prouve bien que nous sommes spéciaux. C’est au travers des insultes qu’on balance en permanence qu’on prend conscience que quelque chose ne va pas. A-t-on déjà inventé des insultes spécifiques à l’orientation sexuelle hétérosexuelle ? Est-ce qu’il y a un pendant hétérosexuel pour tous ces « tarlouzes », « tantes », « tafiolles », « pédales », et j’en passe ?

Ces mots sont des armes, et les plus dangereuses qui soient, car ils finissent par entrer en nous, insidieusement pour nous attaquer de l’intérieur. Pourquoi ? Car elles font place à la banalité. Ce sont des choses qui finissent par pénétrer les esprits, qui finissent par devenir une habitude. Et ce n’est pas normal. Etre habitué aux insultes, être habitué aux armes, ce n’est pas sain. C’est une guerre verbale qui a lieu au dehors, et laisser couler est, pour beaucoup, une solution… temporaire.

C’est tout le système qui a besoin d’être reformaté. Nous ne devrions pas avoir peur du regard des autres. Nous ne devrions même pas savoir qu’il existe ne fut-ce qu’une seule insulte pour ce que nous sommes. Nous ne devrions plus avoir honte. Les plus grands monstres, ce sont ceux qui tyrannisent les autres. N’ayez plus peur des mots, luttez plutôt contre ceux qui les utilisent. »

Maxime LAGNEAUX, président du CHEN et administrateur des CHEFF