La Belgian Pride 2019 a eu lieu ce samedi 18 mai et s’inscrivait dans le cadre du 50ème anniversaire des émeutes de Stonewall, moment fondateur du militantisme LGBTQI, lors duquel les client·e·s d’un bar LGBTQI se sont révolté·e·s contre la répression policière et se sont emparé·e·s de la rue pour défendre leurs droits.  

Avant le début de la marche de cette année, le cortège VNR s’est formé. Composé de membres du Collectif de Lutte Trans, de Queer Support the Migrants, de Reclaim the Pride et d’individus de divers horizons, il avait pour but de protester contre la récupération commerciale et politique de la Pride. Il a remonté le défilé à contrecourant, mégaphone au poing, banderoles et pancartes brandies afin de se positionner jusqu’au niveau des chars politiques, situés en fin de cortège. L’objectif était de leur faire comprendre le mécontentement légitime d’une partie croissante de la communauté LGBTQI face à leur présence intéressée, a fortiori au vu des programmes et des exactions de certains de ces partis (la N-VA en première ligne, pour ne pas la citer) en matière de droits humains fondamentaux, notamment concernant le sort réservé aux migrant·e·s 

Or ce programme ne se réalisera jamais, le cortège VNR étant intercepté par une trentaine de policier·e·s avant d’atteindre son but. Le cortège s’est alors fait encercler et repousser violemment de la chaussée, au mépris des militant·e·s qui tombaient et qui devaient être relevé·e·s in extremis par leurs pairs pour éviter d’être piétiné·e·s. Une fois que les militant·e·s n’encombraient plus le tapis rouge déroulé aux partis politiques, la marche a pu débuter. Sans les activistes du cortège VNR, qui sont resté·e·s immobilisé·e·s par les policier·e·s durant la totalité du défilé et dont l’amertume d’être évincé·e·s de leur propre journée a gagné en intensité au moment où des gaz lacrymogènes ont été utilisés à leur encontre par la police, sans qu’iels n’en comprennent la raison. Une fois le parcours terminé, lorsque tout risque de protestation était écarté, les membres du cortège VNR ont enfin été libéré·e·s, après un contrôle d’identité de la totalité du groupe. 

Deux de nos membres, présent·e·s à leur initiative personnelle, ont été respectivement victime et témoin de ces agissements. Le premier siège en tant que vice-président au sein de notre conseil d’administration. La deuxième est membre de l’équipe des permanent·e·s. 

Soutien inconditionnel aux activistes du cortège VNR 

Quelle que soit l’opinion que chacun·e peut avoir sur les questions de pinkwashing ou sur la présence des partis politiques à la Pride, nous considérons comme inacceptable le traitement qui fut réservé aux activistes qui n’ont fait que défiler avec des banderoles en criant leurs slogans, ce qui est l’essence-même de la Pride dès son origine. Nous leur apportons notre soutien inconditionnel en tant qu’organisation de jeunesse pluraliste et condamnons fermement la répression policière dont iels ont été victimes. Du point de vue de notre histoire communautaire, il est par ailleurs inconcevable de glorifier les émeutes de Stonewall et de prétendre s’inscrire dans leur continuité tout en accueillant la contestation de militant·e·s LGBTQI par un rideau de policier·e·s. Ce qui s’est passé lors de cette Pride 2019 est donc grave à de multiples niveaux. 

Premièrement, il s’agit d’un renversement total de l’évènement fondateur du militantisme LGBTQI contemporain. Cinquante ans après que les activistes se soient élevé·e·s contre la répression policière, on muselle à l’aide de la police des militant·e·s venu·e·s s’exprimer au sein de leur propre Pride. On ne pourrait imaginer pire manière d’honorer ce souvenir. Par ailleurs, lorsque l’on écarte les militant·e·s pour ne pas gêner les partis politiques, on renvoie le message que la Pride appartient désormais davantage aux seconds qu’aux premier·e·s.  Le cortège VNR a été privé de Pride non pas en raison d’un quelconque débordement en son sein, mais parce qu’il a été considéré comme un événement indépendant de la Pride, n’ayant pas reçu les autorisations nécessaires pour défiler. Cette justification mérite que l’on prenne le temps nécessaire pour y réfléchir. Des activistes à pied, dépourvu.e.s de char, lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, transgenres, queer et intersexué·e·s marchant avec des pancartes et un message politique clair et fort dénotent à ce point avec le reste de l’événement pour qu’iels soient jugé·e·s comme n’y appartenant pas. Qu’est donc la Pride alors ? 

 

Enfin, il existe une violence symbolique inouïe à interdire de Pride des activistes qui protestent précisément contre l’impression d’être dépossédé·e·s de leur journée de célébration au profit des intérêts touristiques, commerciaux et politiques. Et, comme à l’accoutumée, cette violence, ce sont les militant·e·s transgenres qui la subissent de plein fouet car, comble de l’insulte, le personnel policier envoyé pour les réprimer n’était même pas formé sur les questions de transidentité, avec le flot de mégenrage et de mépris habituels en pareilles circonstances. Les personnes transgenres viennent-elles à la Pride pour subir la même violence institutionnelle que celle déjà omniprésente dans leur quotidien ?  

Pas un “incident” isolé 

L’année passée, suite à des arrestations violentes de militant·e·s anti-N-VA, nous nous étions déjà fendu·e·s d’une carte blanche questionnant les valeurs réellement portées par la Pride ainsi que sur la place du politique et du commercial dans cet évènement, tout en soulignant son aspect positif et libérateur pour les personnes LGBTQI. Célébrer notre différence est important et en cela l’aspect festif de la Pride revêt une dimension cathartique que nous ne remettons nullement en question. Toutefois cet aspect ne devrait pas avoir la préséance sur le reste au point que toute contestation ait à subir une répression policière. Nous réclamons donc que toute la lumière soit faite sur cette intervention de la police et que le conseil d’administration de la Belgian Pride dévoile sa position vis-à-vis de tels événements. Car ce qui s’est passé cette année ne devra plus jamais se reproduire, au risque de voir la Pride devenir l’anniversaire du décès de Stonewall. 

Le Conseil d’Administration des CHEFF, Fédération des Jeunes LGBTQI   

Les articles de presse et autres témoignages à ce sujet :

« Belgian Pride : les chars des politiques mal accueillis, la police écarte une association », Le Soir en ligne, 18 mai

Témoignage anonyme d’une personne du collectif de lutte trans, 20 mai

« Avec le collectif anti-pinkwashing victime de violences policières lors de la Belgian Pride », Vice, 21 mai